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Filiation : conventions sur la procréation ou gestation pour le compte d'autrui

Le 04 septembre 2019
Est nulle en matière de filiation, la convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui, ainsi le père biologique ne peut agir contre le père d'intention, seul l'intérêt de l'enfant pourrait le justifier

La Cour de cassation rappelle en matière de filiation, l’interdiction des conventions portant sur la procréation ou la gestation pour autrui. De telles conventions portant sur la filiation sont nulles.

En l’espèce, une telle convention avait été signée, puis le père biologique avait voulu faire établir sa filiation biologique en agissant contre le père d’intention.

La Cour d’appel a considéré que sa demande était irrecevable, comme reposant sur une convention en matière de filiation prohibée par la loi et que seul l’intérêt de l’enfant pourrait prévaloir, le procureur de la république uniquement aurait pu la remettre en cause, ce qu’il n’a pas fait.  Il a été estimé que mis en balance, l’intérêt de l’enfant, ne justifiait pas cette remise en cause et qu’il n’y avait pas violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cet arrêt, conforme au regard de la nullité des conventions en matière de filiation, peut surprendre, dans la mesure où jusqu’alors, le droit de l’enfant à faire établir sa filiation biologique au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, semblait prévaloir.

 

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rouen, 31 mai 2018), que MM. X... et Z... ont contracté avec Mme C..., épouse D..., une convention de gestation pour autrui, aux termes de laquelle celle-ci devait porter, contre rémunération, l’enfant qu’elle concevrait à l’aide du sperme de l’un ou de l’autre ; qu’au cours de la grossesse, M. Z... a reconnu l’enfant ; qu’en mars 2013, Mme C... a indiqué au couple que celui-ci était décédé à la naissance ; qu’ayant appris qu’il était vivant et avait été reconnu par M. Y..., au foyer duquel il demeurait depuis sa naissance, M. X... a déposé plainte à l’encontre de Mme C... pour escroquerie ; que tant Mme C... que MM. X... et Z... et M. et Mme Y... ont été condamnés pénalement ; qu’il a été établi, au cours de l’enquête pénale, d’une part, que M. X... était le père biologique de l’enfant, d’autre part, que Mme C... avait décidé de confier l’enfant à naître à M. et Mme Y..., contre rémunération, sans faire état de l’existence de « l’insémination artisanale » à l’origine de sa grossesse et du couple X...-Z... ; que, selon son acte de naissance, l’enfant E... Y... est né le [...] à La Chaussée-Saint-Victor (Loir-et-Cher) de Mme C... et de M. Y..., qui l’a reconnu le [...] ; que, le 19 juillet 2013, M. X... a assigné M. Y... et Mme C... en contestation de la paternité du premier et en établissement de sa propre paternité sur l’enfant ; qu’il a demandé le changement de nom du mineur, l’exercice exclusif de l’autorité parentale et la fixation de sa résidence chez lui ;

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en contestation de la paternité de M. Y... et en établissement de sa propre paternité sur l’enfant E... Y..., alors, selon le moyen :

1°/ qu’en l’état du litige opposant le père biologique de l’enfant au père d’intention qui l’a reconnu à la suite d’une procréation pour autrui, l’illicéité de la gestation pour autrui ne constitue pas une fin de non-recevoir à l’exercice par le père biologique d’une action tendant tant à établir la filiation biologique de son enfant qu’à contester sa filiation à l’égard du parent d’intention qui l’a reconnu frauduleusement après avoir également conclu un contrat de mère porteuse ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 6 et 16-7 du code civil et de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu’en l’état du litige opposant le père biologique de l’enfant au père d’intention qui l’a reconnu à la suite d’une procréation pour autrui, l’illicéité de la gestation pour autrui ne constitue pas une fin de non-recevoir à l’exercice par le père biologique d’une action tendant tant à établir la filiation biologique de son enfant qu’à contester sa filiation à l’égard du parent d’intention qui l’a reconnu frauduleusement après avoir également conclu un contrat de mère porteuse ; qu’en déclarant irrecevables les demandes de M. X..., comme reposant sur un contrat de mère porteuse illicite, quand l’enfant avait été remis par la mère à M. Y... qui l’avait reconnu en exécution d’un contrat de mère porteuse, la cour d’appel qui a déduit un motif inopérant, en violation des articles 6 et 16-7 du code civil et de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que l’impossibilité d’établir un lien de filiation paternelle constituant une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée de l’enfant, il appartient au juge d’apprécier si, concrètement, elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’intéressé, au regard du but légitime poursuivi, et en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et concurrents en jeu ; qu’en se déterminant en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant qui a tissé des liens affectifs avec ses parents d’intention depuis quatre ans, à la date à laquelle elle statuait, après avoir déclaré irrecevables les demandes de M. X..., comme reposant sur un contrat de mère porteuse illicite, la cour d’appel, qui n’a pas opéré un tel contrôle de proportionnalité, a violé l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d’abord, qu’aux termes de l’article 16-7 du code civil, toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ; que, selon l’article 16-9 du même code, ces dispositions sont d’ordre public ; qu’ayant relevé que l’action de M. X... en contestation de la reconnaissance de paternité de M. Y..., destinée à lui permettre d’établir sa propre filiation sur l’enfant, reposait sur la convention de gestation pour autrui qu’il avait conclue avec Mme C..., la cour d’appel en a exactement déduit que la demande était irrecevable comme reposant sur un contrat prohibé par la loi ;

Attendu, ensuite, que l’arrêt énonce que la réalité biologique n’apparaît pas une raison suffisante pour accueillir la demande de M. X..., au regard du vécu de l’enfant E... ; qu’il relève que celui-ci vit depuis sa naissance chez M. Y..., qui l’élève avec son épouse dans d’excellentes conditions, de sorte qu’il n’est pas de son intérêt supérieur de voir remettre en cause le lien de filiation avec celui-ci, ce qui ne préjudicie pas au droit de l’enfant de connaître la vérité sur ses origines ; qu’il observe qu’il en est ainsi même si la façon dont ce lien de filiation a été établi par une fraude à la loi sur l’adoption n’est pas approuvée, et précise que le procureur de la République, seul habilité désormais à contester la reconnaissance de M. Y..., a fait savoir qu’il n’entendait pas agir à cette fin ; qu’ayant ainsi mis en balance les intérêts en présence, dont celui de l’enfant, qu’elle a fait prévaloir, la cour d’appel n’a pas méconnu les exigences conventionnelles résultant de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

 (Cass, Civ1, 12 septembre 2019 , pourvoi n°18-20.472)

 

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