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L'adoption plénière de l'enfant issu d’une gestation pour autrui

Le 23 décembre 2020
L'adoption plénière de l'enfant issu d’une gestation pour autrui
L'adoption plénière de l'enfant, issu d’une gestation pour autrui par le conjoint du père est possible si le droit du pays de naissance de l'enfant autorise les conventions de gestation pour autrui et si l'acte de naissance de l'enfant est conforme

 

L'adoption plénière de l'enfant, issu d’une gestation pour autrui, par le conjoint du père est possible dès lors que le droit du pays de naissance de l'enfant autorise les conventions de gestation pour autrui et que l'acte de naissance de l'enfant, qui ne fait mention que d'un parent, a été dressé conformément aux règles de droit de son pays de naissance.
 

Dans les deux affaires, les faits sont similaires : un homme a eu recours à une convention de gestation pour autrui (ci-après « GPA ») au Mexique pour l’un et en Inde pour l’autre. Dans les deux cas, l’acte de naissance transcrit sur les registres de l’état civil français ne mentionne que le nom du père et aucune filiation maternelle n’y figure. Le conjoint du père demande l’adoption plénière de l’enfant.

 

Dans la première affaire (pourvoi n°19-15.739), la Cour d’appel rejette la demande d’adoption plénière au motif que « rien ne permet en l’espèce d’appréhender les modalités dans lesquelles la femme ayant accouché de U... aurait renoncé à l’établissement de la filiation maternelle et ce de manière définitive ».

 

Elle ajoute également que n’était pas établi le consentement de la mère « à l’adoption de l’enfant dont elle a accouché, par le mari du père dans des conditions qui viendraient, s'agissant d'une adoption plénière, à rendre impossibles à l'avenir, et de manière complète et irrévocable, tout établissement légal d'un lien de filiation maternelle et toute relation avec l'enfant ».

 

Elle énonce que dans ces conditions, il ne peut être conclu que l’adoption plénière sollicitée avec les effets définitifs qui s’attachent à cette dernière, « soit conforme à l’intérêt de l’enfant lequel ne peut s’apprécier qu’au vu d’éléments biographiques suffisants ».

 

Le conjoint du père s’est alors pourvu en cassation.

 

Dans la seconde affaire (pourvoi n°19-50.042), la Cour d’appel de Paris prononce l’adoption demandée et c’est le procureur général qui forme le pourvoi en cassation.

 

Dans son pourvoi, le procureur général contestait l’adoption plénière au motif que l'acte d'état civil qui ne comportait pas le nom de la mère ne pouvait être considéré comme conforme à la « réalité » au sens des dispositions de l'article 47 du Code civil aux termes duquel l’acte d’état civil étranger fait foi à moins qu’il soit « irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

 

Dans les deux affaires, la Cour de cassation adopte le même raisonnement et admet l’adoption plénière.

 

Un critère de conformité de l’acte de naissance de l’enfant à la législation étrangère

 

Dans ses deux arrêts, la Cour de cassation commence par rappeler qu’aux termes de l'article 16-7 du Code civil, toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle, cette disposition étant d'ordre public.

 

Elle rappelle que selon l'article 353, alinéa 1er, du Code civil l'adoption est prononcée si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant.

 

De plus, aux termes de l'article 345-1, 1°, du Code civil, l'adoption plénière de l'enfant du conjoint est permise lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint.

 

Enfin, la Cour rappelle qu’aux termes de l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

 

La Cour de cassation conclut, au visa de l’ensemble de ces textes, que « le droit français n’interdit pas le prononcé de l’adoption par l’époux du père de l’enfant né à l’étranger de cette procréation lorsque le droit étranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l’acte de naissance de l’enfant, qui ne fait mention que d’un parent, a été dressé conformément à la législation étrangère, en l’absence de tout élément de fraude ».

 

Ainsi, dans la première affaire (pourvoi n°19-15.739), la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel au motif que celle-ci aurait dû rechercher si les documents produits « ne démontraient pas que cet acte de naissance, comportant le seul nom du père, était conforme à la loi de l'Etat de Tabasco, de sorte qu'en l'absence de lien de filiation établi avec la femme ayant donné naissance à l'enfant, l'adoption plénière était juridiquement possible ».

 

Dans la seconde affaire (pourvoi n°19-50.042), la Cour de cassation, après avoir retracé l’évolution du droit indien, confirme l’arrêt d’appel et rejette le pourvoi du procureur général, la Cour d’appel ayant « exactement déduit que l’acte de naissance de l’enfant avait été régulièrement dressé en application de la loi indienne et qu’en l’absence de filiation maternelle établie en Inde, l’adoption d’V... par M. M... était légalement possible ».

 

La Cour de cassation semble ne vouloir s'en tenir qu’à la régularité́ de l'acte au regard du droit étranger, et aucunement au consentement de la mère gestatrice, pour apprécier si l'adoption de l'enfant du conjoint est juridiquement possible.

 

 

Ainsi, en l'absence de lien de filiation établi avec la femme ayant donné naissance à l'enfant, l'adoption plénière était juridiquement possible.

 

La Cour de cassation confirme son approche libérale au regard des conventions de GPA.

 

En effet, la Cour permet l’adoption plénière de l’enfant du conjoint issu d’une GPA conduite à l’étranger en dépit de l’article 16-7 du Code civil qui interdit de telles conventions.

 

Cette décision confirme la solution retenue par la Cour européenne des droits de l’homme qui avait admis le recours à l’adoption plénière pour établir la filiation à l’égard du second parent (CEDH, 5e section, 19 nov. 2019, n° 1462/18 et 17348/18).

 

Cour de cassation - Première chambre civile — 4 novembre 2020 –

Pourvois n° 19-15.739 et 19-50.042

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